Faculté législatrice de l’esprit humain, sa capacité à produire des règles, qu’il s’agisse de procédés techniques (la technique), de lois scientifiques (la science), de maximes pour l’action (la morale), ou de lois politiques (la politique).
La raison est justement la faculté humaine par laquelle notre esprit (et les idées et désirs qui s’y trouvent) apprend à se confronter à la réalité. La raison confronte de nos désirs, de nos fantasmes au monde hors de nous. A mon ami en maillot de bain prêt à se jeter dans la mer démontée pour rejoindre Port Louis, je pourrais dire “sois raisonnable !”, et cela voudrait effectivement dire la même chose que “sois réaliste !”.
Le rôle de la raison est avant tout de repérer les régularités que la réalité laisse apparaître, et de s’en servir pour formuler des règles. Ainsi si j’ai raison de dire que le soleil se lèvera demain, c’est parce que j’ai toujours fait l’expérience que chaque jour le soleil se lève. j’ai repéré une régularité dans la nature, j’en déduis une règle: “le soleil se lève tous les jours”.
La raison est donc incapable de nous donner des règles définitives, absolues, car elle est relative à l’expérience que nous faisons de la réalité, aux régularités que nous repérons dans la réalité. Donc être raisonnable, c’est d’abord être attentif à ce qui arrive. Et la voie de la sagesse commence avec cette attention à ce qui arrive.
La logique est ainsi l’art de repérer la nécessité lorsqu’on la rencontre. Lorsqu’on veut enchaîner des propositions on distingue ainsi 3 types d’enchainements possibles: la possibilité, la réalité, la nécessité.
– la possibilité: c’est lorsque l’enchainement entre les propositions est possible (on dit aussi qu’il est non contradictoire), mais qu’il peut aussi être refusé. Un exemple: “Tous les hommes sont mortels. Or Socrate est mortel. Donc Socrate est un homme.” L’enchaînement est possible, mais pas certain. Socrate peut être un homme d’après ce raisonnement. Mais il pourrait tout aussi bien être un chien.
– la réalité: ici l’enchainement des propositions repose non pas seulement sur la réflexion abstraite, mais sur un ou plusieurs constats que l’on fait à propos de la réalité. Dans le syllogisme “Tous les hommes sont mortels. Or Socrate est mortel”, jusque là les deux premières propositions ne sont pas démonstratives. Elles sont basées sur un constat objectif à propos de la réalité.
– la nécessité: c’est lorsque l’enchaînement des propositions ne peut pas être évité. C’est cela, l’art de la démonstration logique. C’est l’art de n’enchaîner les propositions les unes aux autres que si le lien qui les unit est nécessaire, parfaitement logique, absolument certain.
Dans notre expérience de la réalité, nous sommes confrontés à deux impératifs:
1) Un impératif pratique: l’être humain est comme les autres animaux un animal social, mais il n’est pas réglé par la nature. Nous devons donc découvrir par nous-mêmes les règles à suivre pour vivre avec nos semblables et réussir notre vie. Ici le rôle de la raison est de nous fournir des règles pratiques, qui nous permettrons d’agir correctement. Sur ce point voyez les notions le bonheur et la politique.
2) Une impératif théorique: Nous avons, à cause de l’éveil en nous de la conscience réfléchie, le désir de comprendre le monde qui nous entoure. Autrement dit, l’être humain voit sa conscience de la réalité se développer, mais ce développement prend la forme d’une expérience difficile, l’expérience de son ignorance. Ici le rôle de la raison est de faire attention aux régularités naturelles afin de comprendre le fonctionnement de la nature en formulant ses lois. Sur ce point voyez les notions la science (théorie et expérience), et la démonstration.
« La capacité de l’esprit de juger pour distinguer le vrai du faux »
La raison c’est une certaine manière de penser. Raisonner ce n’est pas seulement sentir. Sentir est une situation passive, où je reçois une information. Raisonner ce n’est pas non plus seulement imaginer. Dans l’imagination je pense, mais je laisse ma penser vagabonder librement.
Au contraire, lorsque je raisonne, j’essaie de conduire ma pensée avec ordre et rigueur pour enchaîner des propositions les unes derrière les autres de façon logique et ainsi faire avancer ma pensée. Cette marche rigoureuse de l’esprit s’appuie sur 3 piliers :
la cohérence logique : je suis capable de lier mes pensées de façon cohérente, et de repérer les défauts de cohérence. Cela me rend capable de démonstration.
la correspondance avec les faits : je suis capable de vérifier si ce que je pense correspond ou pas à la réalité.
l’intersubjectivité : je suis capable de communiquer avec mes semblables, et notamment de recevoir leurs critiques, et de modifier le cours de mes pensées lorsque ces critiques me font prendre conscience que j’avais mal raisonné.
Ainsi, parce qu’il s’agit du fonctionnement logique + factuel + intersubjectif de l’esprit humain, la raison est une faculté universelle, qui réunit l’ensemble des consciences humaines dans leur marche vers la vérité.
Les problèmes liés à cette notion sont les suivants :
Pourquoi la raison est-elle au cœur de la méthode scientifique ? (en lien avec la science)
La raison est-elle le seul moyen de parvenir à la vérité ? (en lien avec la vérité et l’art)
La raison peut-elle déterminer non pas seulement le vrai et le faux (raison théorique), mais le juste et l’injuste (raison pratique) ? (en lien avec le devoir et la justice)