technique

Puisque ce terme est essentiel, définissons le: un procédé, c’est une manière de faire quelque chose, une méthode d’action, un chemin à suivre. Par exemple, si je ne veux pas que mes dents pourrissent trop tôt, je dois apprendre dès mon plus jeune âge à me brosser les dents en respectant un ensemble de règles qui rendront ce brossage efficace. Mais arrêtons nous un instant sur cet exemple: pour que le procédé apparaisse, il fallait que j’ai envie de le rechercher. Ici cette envie vient du désir que j’ai de garder mes dents saines. Donc pour inventer une technique

1./ il faut commencer par ressentir un désir, le désir d’améliorer quelque chose dans notre existence. Déjà ici intervient l’intelligence: avoir un tel désir, c’est avoir un esprit suffisamment ouvert pour penser au-delà de ce qui est déjà à ma disposition. Et oui, notre cerveau humain est un organe fait pour… se créer des problèmes !

2./ C’est alors que la recherche du procédé, de la solution au problème commence.  L’intelligence se fait ici créatrice de nouvelles règles d’actions.  En résumé, toute technique, tout outil, trouve son origine dans un problème, et son aboutissement dans la solution à ce problème.

Ce qui distingue l’être humain des autres espèces vivant sur cette Terre, c’est qu’il n’a jamais cessé d’inventer toujours plus de procédés nouveaux, et bouleverse ainsi sans cesse ses rapports avec la nature et avec ses semblables.

Les animaux utilisent-ils des techniques, appliquent-ils des procédés ? Oui, mais la majeure partie des animaux n’inventent pas de techniques, ils appliquent les procédés que leur nature a développé. Ainsi les insectes n’inventent aucune technique (aucun procédé), ceux qu’ils appliquent sont déjà contenus dans leur mémoire biologique, leur instinct. Cependant, d’autres animaux, essentiellement des mammifères, ont un cerveau suffisamment complexe pour non seulement appliquer des procédés instinctifs, mais pour en inventer de nouveaux. L’orque, par exemple, a inventé un procédé pour chasser les phoques jusque sur le rivage, et ainsi sortir de son milieu naturel (l’océan), et dépasser les limites de son instinct.

L’intelligence créatrice n’est donc pas l’apanage de l’être humain. Et cependant il y a une différence nette entre l’invention de la chasse au phoque par l’orque et les inventions techniques humaines: chez nous l’invention technique n’est pas ponctuelle, mais permanente. Et nos inventions techniques ne se comptent pas sur les doigts d’une main. Elles forment au contraire un système toujours plus complexe. En résumé, certains animaux sont bien capables d’invention techniques, mais l’être humain, lui, s’est jeté à corps perdu dans la technologie. Il faut bien comprendre cette notion système technologique: nous ne nous contentons pas d’accumuler des techniques, nous réfléchissons sur elles, nous les assemblons, et nous nous appuyons sur les techniques et connaissances anciennes pour en créer de nouvelles.

Il y a une autre caractéristique des techniques humaines qui les distingue radicalement de celles de l’orque: celui-ci est capable d’inventer de nouveaux procédés, mais ces procédés sont et restent des modes de comportement du corps de l’animal. L’être humain, lui, a franchi un pas essentiel dans l’invention de procédés: il est devenu capable non seulement d’apprendre à son corps de nouveaux mouvements (ou comportements), mais aussi de le prolonger en façonnant la nature extérieure: c’est la création de l’outil.

Nous  les êtres humains, avons à la f

ois un cerveau complexe et une main avec un pouce opposable, c’est-à-dire une main capable de prendre et de tenir. L’union du cerveau et de la main a permis à l’homme de prendre de la matière a

utour de lui (le bois, la pierre), et d’en faire un prolongement de son propre corps. Nos procédés peuvent s’appu

yer sur des fabrications qui nous permettent d’augmenter prodigieusement la puissance de notre corps, et ainsi d’augmenter sans limite assignable notre puissance dans la nature.

Conséquence essentielle de tout ce que nous venons d’établir: l’être humain n’est plus prisonnier de son milieu naturel. Grâce à ses inventions techniques, il peut s’en affranchir. Les créations techniques (outils, machines) constituent des produits matériels de l’intelligence humaine (qu’on appelle artefacts pour cette raison) et qui viennent s’interposer entre nous et la nature.

Cela nous amène à voir la nature non plus comme une réalité dont les formes s’impose à nous, mais comme une simple matière que nous pouvons transformer à notre guise, soumettre à notre volonté, à nos désirs.   C’est ce que le philosophe Heidegger appelait “l’arraisonnement” puisque nous soumettons la nature à notre volonté.  Je puis creuser la montagne et en faire une mine à ciel ouvert, je puis canaliser la rivière entre deux berges de béton pour en exploiter l’électricité.

Vous l’avez vu, lorsqu’on défini la technique, c’est en partant de l’existence d’un être vivant, qui veut persévérer dans son être, et invente des techniques pour y parvenir le mieux possible. Les techniques (ou procédés), ont donc toujours eu le statut de moyens servant des fins qui les dépassent. (le couteau n’a pas de valeur en lui-même. Il sert parce que moi j’ai une pomme à manger).

“Machine Learning & Artificial Intelligence” by mikemacmarketing under CC BY 2.0

Or, lorsqu’on suit le fil des 4 derniers siècles, on découvre que les objets techniques évoluent vers plus d’organisation, plus de complexité, et ont de plus en plus tendance non pas à seulement faciliter l’activité humaine, mais à la remplacer. C’est ce qui différencie l’outil (qui ne sert à quelque chose que parce qu’un être humain le manipule) de la machine (qui, elle, fonctionne toute seule). On peut donc se demander si dans le futur l’être humain n’inventera pas un procédé… qui ne sera plus un procédé, un moyen, mais une fin en soi. Ce n’est encore que de la science fiction, mais ce problème, quoique hypothétique, risque de se poser un jour à l’être humain.

« activité par laquelle l’être humain invente et utilise les procédés qui lui sont utiles. »

Au centre de la technique il y a donc l’idée d’utilité, l’idée que l’être humain peut augmenter sa puissance en inventant des procédés. Parmi ces procédés, il y a l’outil, prolongation du corps humain fabriquée en transformant la nature ; et il y a la machine, l’outil qui se meut tout seul, sans avoir besoin de la force motrice du bras humain, qui n’est plus là que pour contrôler l’exécution du mouvement.

Notre espèce a un lien très profond avec la technique, si profond que, comme le dit Bergson, nous aurions pu nous appeler « homo faber » plus que « homo sapiens ». Il y a en effet un point sur lequel le progrès de notre espèce est indiscutable : la puissance toujours croissante de nos techniques.

Mais cela pose un problème, qui est celui de la finalité. Pourquoi tant de progrès techniques ? La technique, elle, ne répond pas à cette question, car elle ne renvoie qu’aux moyens. Sur la question des fins, des buts, elle est neutre.

Or les progrès techniques posent toute une série de problèmes, que nous avons ou allons analyser en cours :

• celui de la préservation de la nature

• celui de l’oppression (la technique, qui est censée libérer l’être humain, peut servir à sa manipulation et son oppression)

• celui du dépassement de l’homme par les machines

• celui de la transformation de l’humain lui-même ( le transhumanisme )