liberté

capacité de faire ce que l’on veut, parce que l’on choisit par soi-même et qu’on est indépendant de toute contrainte.

 

Dans l’Antiquité l’homme libre, “liber”, s’oppose au serviteur, “servus”. D’un côté celui qui est maître de lui-même, de ses gestes et de sa vie, et de l’autre celui qui ne s’appartient plus parce qu’il est l’esclave d’un autre, soumis à une autre volonté que la sienne. Ici le choix, là l’obéissance. Cette opposition de la liberté à l’esclavage est essentielle car elle renvoie à la spécificité de notre espèce: nous sommes les seuls animaux capables de liberté, et nous sommes en même temps les seuls animaux capables de soumettre nos semblables à l’esclavage.

Donc l’homme libre n’est pas soumis à la volonté d’un autre, mais peut faire selon sa volonté propre. Jusqu’ici, oui, ça marche. Mais pour aller plus loin, il faut bien s’entendre sur ce qu’on veut dire par “volonté“. Un petit enfant est-il libre lorsqu’il se laisse aller à ses caprices ? Le joueur est-il libre de jouer tout ce qu’il a au casino ? L’héroïnomane est-il libre lorsqu’il achète sa dose ? Dans ces trois cas, rien ne vient contraindre la volonté de l’extérieur, ces trois personnes font ce qu’elles veulent, et cependant, ce n’est pas de la liberté. Car l’esclavage peut aussi venir de l’intérieur: ne dit-on pas d’une personne qu’elle est devenue “l’esclave de ses passions” ? N’affirme-t-on pas que les enfants sont des êtres mineurs incapables d’agir par eux-mêmes, et, pour cette raison, placés sous la responsabilité d’autres personnes, appelées “majeures” ?

En fait pour être libre, il ne suffit pas de faire ce que l’on veut, il faut avoir de la volonté, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Avoir de la volonté, c’est tenir bon, ne pas lâcher. Mais ne pas lâcher quoi ? Et bien ce que l’on avait décidé au préalable. Si je choisis d’entrer à l’Université et que je me décourage dès les premières minutes où je me retrouve dans un amphithéâtre bondé, je vais rapidement lâcher et abandonner. Ainsi la liberté commence avec la pensée réfléchie, la conscience qui me permet, dans un dialogue avec moi-même, de délibérer, de choisir, et finalement de m’en tenir à ce que j’ai choisi. Délibération, choix réfléchi, résolution, voilà les 3 piliers de la liberté en acte. Ainsi l’être humain affirme sa liberté sous la forme de l’autonomie (capacité de me donner à moi-même les lois, les règles qui vont structurer mon action). C’est cela, la maîtrise de soi.

Mais l’être humain n’est jamais libre tout seul. Nous sommes des animaux capables de liberté, mais nous sommes aussi des animaux sociaux, voués à vivre avec leurs semblables. La liberté humaine est donc confrontée à un enjeu plus vaste que l’existence individuelle: il s’agit de s’associer, de vivre ensemble, sans que ma propre liberté n’entre en conflit avec celle d’autrui. C’est ainsi qu’on distingue la liberté naturelle, ce pouvoir qu’a l’être humain d’être maître de lui, de la liberté civile, c’est-à-dire la liberté de faire ce que les lois communes permettent.

Ici la notion de liberté renvoie à celle de l’État: comment organiser l’État pour que les lois communes garantissent la liberté civile ?

Tout ce que nous venons de dire sur l’être humain semble faire de lui “un empire dans un empire”. En effet, tous les autres êtres de la nature semblent gouvernés par les lois naturelles. Les pierres tombent sans le vouloir, mais en obéissant à la loi de la gravité. Et les animaux se meuvent, mais en obéissant à la dynamique de leur espèce. L’être humain échappe-t-il véritablement à la nécessité ? Sommes nous libres, ou bien nous croyons nous libres parce que “nous ignorons les causes qui nous déterminent” comme le dit Spinoza ?

 

« état de l’homme qui n’est pas esclave ou prisonnier. État de l’être qui ne subit pas de contrainte, qui agit conformément à sa volonté, à sa nature. »

le mot liberté renvoie donc à un être qui se détermine seul, et par lui-même. L’être libre est celui qui « agit conformément à sa volonté ». Il est donc essentiel de comprendre le concept de volonté.

N’étant plus soumis à la logique de son espèce, l’homme est un être de désir, pas seulement de besoins, c’est en ce sens qu’il est libre. Libéré de l’instinct naturel, il est capable de choisir avant d’agir, il est doué de libre arbitre. Comme le dit Rousseau, chez l’être humain « la volonté parle encore, quand la nature se tait ». Cette capacité de choisir n’est pas seulement ponctuelle (glace vanille ou glace choco ?). Au delà de cela, l’humain est capable de choisir la loi à laquelle il voudra se soumettre. = l’autonomie, capacité à se donner à soi-même des lois, et à s’y soumettre.

Mais alors la liberté a deux opposés : le déterminisme et l’oppression.

  1. La liberté comme opposée au déterminisme : la liberté métaphysique

Cette dimension de la liberté renvoie à l’idée que chez l’être humain, nous dit Sartre, « l’existence précède l’essence ». Nous serions capable d’arbitrer librement entre nos passions, et de choisir. Or un certain nombre de philosophes affirment que cette liberté là est illusoire. Ainsi Spinoza affirme-t-il que « les êtres humains se croient libres parce qu’ils ignorent les causes qui les déterminent ». Le sentiment que j’ai de faire selon ma volonté cache une réalité plus profonde : en fait ma volonté serait déterminée par mes passions et celles-ci seraient fortement déterminées par mon éducation, ma culture. Sartre ou Spinoza ? Le débat est ouvert.

  1. La liberté comme opposée à l’oppression : la liberté politique.

Mais même pour un philosophe comme Spinoza, qui ne croit pas à la liberté métaphysique, la notion de liberté a une importance cruciale pour l’être humain, au sens politique. Ici être libre c’est ne pas être mis sous la pression d’une autre volonté que la mienne qui me force et m’utilise. La liberté au sens politique c’est le fait de ne pas être la chose d’un autre.

Mais alors cela veut-il dire qu’il faut refuser toute soumission ? En fait c’est plus compliqué. Il ne faut pas confondre soumission et oppression.

Lorsque tout un peuple se soumet à des lois communes pour pouvoir vivre ensemble sans se faire violence les uns aux autres, il n’y a pas d’oppression. La soumission aux lois permet au contraire de passer d’une forme simple et pauvre de liberté, la liberté naturelle, à une forme simple et riche de liberté, la liberté civile. La liberté naturelle correspond en effet à une situation de complète indépendance, qui est très difficile à vivre, car elle empêche l’établissement de tout lien social solide. Chacun vit de son côté, il ne peut y avoir de progrès commun. Au contraire la liberté civile correspond à une situation de dépendance des uns aux autres, mais elle permet la coopération au sein de la société, et la discussion pour choisir quelles sont les lois que le peuple voudra se donner. C’est l’autonomie politique.

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