les métamorphoses du Moi

Le mot nature a trois sens qu’il faut bien distinguer.

– tout d’abord il y a son sens le plus courant : la nature comme totalité, soit l’ensemble de ce qui existe. Ici « nature » équivaut à « réalité » ou à “univers”.

– Ensuite il y a l’idée “d’environnement”. C’est le sens le plus utilisé du mot nature. Ici la nature, c’est ce qui m’environne, l’air que je respire, la terre sous mes pieds, le milieu à l’intérieur duquel je suis plongé ici et maintenant. Cet environnement porte aussi le nom de “biosphère”: l’espace, sur notre planète, dans lequel la vie est possible.

– et il y a un autre sens, la nature de telle ou telle chose. La nature de l’atome, la nature du pélican, la nature humaine. Ici le mot nature désigne le propre de telle ou telle chose, l’essence de la chose, par opposition aux accidents non essentiels qui peuvent lui survenir. La nature, c’est alors ce qui arrive indépendamment de moi, (“phusis” en grec) par opposition à ce qui arrive de mon fait (“nomos” en grec). Le naturel s’oppose ainsi à l’artificiel.

L’idée de nature comme totalité est apparue dans l’esprit humain lorsque nous sommes devenus capables de voir plus loin que le bout de notre nez. Les autres animaux sont plongés dans la nature, mais ils ne pensent pas à la nature. Nous si. Et si on s’intéresse aux cultures les plus anciennes connues, elles ont toutes un point commun: elles se représentent la nature comme une totalité organisée tout entière vivante, ce qu’on appelle un cosmos. Cette idée archaïque (très ancienne) n’a pas tout à fait disparu de notre conscience. Nous continuons d’utiliser des expressions comme « Mère nature », « Dame nature ».

Mais cette conception de la nature est aujourd’hui remise en cause par le progrès scientifique. Les sciences affirment qu’effectivement la nature est unifiée, au sens où tous les éléments de la nature sont gouvernés par les mêmes lois physiques, universelles et nécessaires.  Mais les sciences n’affirment pas que la nature serait comme une grande dame, une totalité vivante et douée d’intention. La nature est simplement une mécanique, un ensemble de matières et d’énergies soumis de part en part à la nécessité des lois physiques.

Mais l’idée de nature a un autre sens, précis et essentiel pour comprendre la question écologique.

Récapitulons: lorsqu’on dit qu’il faut préserver, protéger la nature, cette expression n’a aucun sens si on définit la nature comme on vient de le faire, comme univers, totalité du monde physique soumis à des lois. Les lois physiques n’ont pas besoin qu’on les protège, elles s’appliquent à nous implacablement.

Alors de quoi parle-t-on quand on parle de préservation, de protection de la nature, en bref, quand on parle d’écologie ?

On parle ici de la nature comme environnement.

Sur notre terre, la vie s’est développée depuis plusieurs milliards d’années, et elle s’est développée en se complexifiant. La sphère terrestre n’est pas réductible au jeu des lois physiques et chimiques. On parle de « biosphère » pour parler des équilibres toujours plus complexes qui se sont construit à la surface de notre planète. Ces équilibres sont des systèmes auto-régulés, ou écosystèmes. Auto-régulés, cela signifie qu’un mécanisme s’est créé qui permet non seulement le maintien mais même l’accroissement de la richesse de l’écosystème.

Disons cela plus simplement: tout être vivant sur notre terre vit à l’intérieur d’un environnement qui constitue un équilibre essentiel à sa survie. Or si les lois physiques sont invincibles, les environnements, eux, ou milieux naturels, sont des équilibres fragiles.

Mais pour comprendre pourquoi la nature, comme environnement, est aujourd’hui menacée, il faut faire un petit détour par une réflexion sur le 3ème sens du mot nature: la nature particulière de tel ou tel être.

Intéressons nous maintenant au dernier sens du mot “nature”. Ici nous n’allons pas parler de la nature en général, mais DES natures: la nature du lion, la nature de l’araignée, la nature de l’être humain. En effet, tout être vivant se manifeste comme un être propre, doué d’une individualité que la physique et la chimie n’expliquent pas (pas encore du moins). La nature d’un être vivant c’est sa spontanéité auto-formatrice qui se déploie en un organisme bien précis. Il y a donc bien, en chaque être vivant, une nature qui lui est propre, ou plus exactement, qui lui est spécifique, et qui détermine son essence. Et de ce point de vue  l’être humain est au premier abord un animal comme les autres. Il est ainsi doué d’une « nature » spécifique, celle de son espèce, homo sapiens.

Cependant l’idée de nature humaine est problématique car

– s’il reste vrai que l’être humain a un corps spécifique, une nature génétique particulière

– son existence se déroule aussi sur d’autres plans que le plan biologique : la vie de l’esprit. Nous sommes doués d’une CONSCIENCE SYMBOLIQUE qui permet l’essor de notre pensée, et l’expérience de la liberté. De ce fait, l’essence de l’humain n’est pas réductible à la nature de son espèce. Ni nos outils, ni nos langues, ni nos usages, ni nos structures politiques, ne sont explicables par l’hérédité biologique.

L’être humain n’est donc plus seulement un être défini par sa nature, il est le créateur d’un autre champ, le champ de sa culture, dans lequel la question de son essence (sa définition), ne cesse de se complexifier. (pour plus de précisions sur ce point, voir les notions “conscience” et “liberté”)

L’humain a donc un rapport complexe avec la nature : là où les autres espèces naturelles se contentent de trouver leur place dans un écosystème, d’y faire leur « niche écologique », l’être humain est capable d’une modification sans limite de cet écosystème (anthropocène). Cette modification par laquelle l’être humain, en transformant la nature, construit le monde humain amène l’être humain non pas à respecter, mais à nier les formes naturelles. L’institution humaine de notre propre monde (nomos), ne cesse de prendre le pas sur la marche naturelle (phusis). (voir la notion de technique)

Or ce rapport à la nature est en train de devenir un problème :

– il y a d’abord un problème tout simplement technique : il est fort possible que nous soyons en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. L’être humain n’a pas seulement besoin de la nature comme matière première, ensemble de ressources, mais aussi comme système, car les écosystèmes fournissent à l’humain des services absolument essentiels à son propre développement.

– n’y a-t-il pas aussi un problème éthique ? La nature que nous abimons sera le milieu de développement des générations humaines futures. Il est fort problématique de parler de respect de la nature, mais il est par contre évident qu’en détruisant peu à peu notre milieu nous ne portons aucune considération aux humains enfants et aux humains à naître, et cela pose un grave problème moral. Mais pour être précis la question n’est pas alors celle du respect de la nature, c’est celle de la préservation de la nature au nom du respect des générations futures.

La nature a deux sens :

1) celui, particulier, de la « nature d’un être », comme la nature humaine, ou la nature d’un ours.

2) celui, général, de la nature dans son ensemble, comme un tout, et alors la notion est presque équivalente à l’idée de « réalité », ou « d’univers ».

Presque car on oppose la nature à l’artifice. Ce qui est naturel se fait de soi même, spontanément, ou du fait de l’enchaînement des causes physiques. Ainsi on dira que le battement des ailes de l’oiseau est naturel, ou que la pierre est tombée de la falaise du fait du jeu des lois de la nature ALORS QUE l’on dira que le mouvement des ailes de l’avion est artificiel, et que la pierre projetée par une catapulte est soumisse à une force artificiellement provoquée.

Donc le mot nature peut être ici opposé à l’artifice. La nature, c’est ce qui est là, et l’artifice, c’est ce que l’être humain technicien ajouterait à cette nature.

Mais la notion nous intéresse du fait de l’importance qu’elle revêt pour l’existence humaine, et ce sur deux plans :

  1. la question de la nature humaine : puisque tous les êtres ont une nature, quelle est la nature de l’homme ? Cette question n’a jamais cessé d’être débattue et elle est une des principales sources de l’interrogation philosophique. Qui sommes-nous ? Notre nature nous donne-t-elle une dignité supérieure à celle des autres êtres de la nature ? Serions-nous doté d’une liberté qui implique que nous ne soyons pas déterminés par la nature à être ce que nous sommes ?

  2. La question de la place de l’homme dans la nature qui l’environne : quel rapport devons nous avoir avec la nature ? Faut-il la manipuler, la transformer, ou bien la préserver, voire la respecter ?

LISTE DES CONCEPTS ESSENTIELS

définit l’environnement comme ayant la forme d’un système dans lequel les éléments interagissent entre eux et contribuent, par leur action, à la stabilité de ce système.

Ce qui environne, ce qu’il y a autour d’un être. C’est sous la forme d’un environnement, ou milieu extérieur, que la nature se manifeste pour tous les êtres vivants. Un être ne peut continuer d’exister que si son environnement est propice à son existence. C’est pourquoi la question écologique prend la forme d’une question de préservation de l’environnement.

la partie du globe terrestre sur laquelle la vie est présente et s’est répandue au point d’avoir modifié les conditions physico chimiques de la nature, renforçant ainsi son habitabilité.

un organisme vivant est un ensemble de matières organisées en un tout et déployant un ensemble de mouvements internes et externes pour maintenir son niveau d’organisation. Tout organisme semble donc poursuivre une fin, qui est celle de sa propre préservation, sous forme de la survie ou de la reproduction.

idée selon laquelle le développement technique de l’être humain est si puissant qu’il modifie en profondeur le climat et la géologie terrestre.

mécanisme: l’enchainement des causes et des effets se produit dans la nature de façon nécessaire. Si une boule de billard en heurte une autre, le mouvement de la bille touchée correspond à l’application mécanique des lois nécessaires de la nature.

Exemple de mécanisme naturel: le mouvement des marées obéit à la loi mécanique de la gravité, en l’occurrence du fait du rapprochement ou de l’éloignement de la lune.

finalisme: entre la cause et l’effet le finalisme suppose qu’il existe la prise en compte d’un but, et donc un choix. Ici la nature n’est pas gouvernée par la nécessité, mais elle est aussi déterminée par la liberté.

Exemple de finalisme: dans la mythologie judéo-chrétienne et islamique lorsque Moïse lève son bâton pour séparer les eaux, c’est parce que Dieu l’a voulu que les eaux se sont séparées.

trop longue à expliquer en détail ici, la théorie synthétique de l’évolution explique que l’évolution des espèces s’est déroulée de façon simplement mécanique, sans finalisme (sans intervention divine). Pour le comprendre, suivez le lien ci dessous:

https://www.youtube.com/watch?v=ZNFN4t6iT9o

la nature vue comme un grand tout, une totalité organisée. Cette idée peut prendre 2 formes: 

– le cosmos de l’animisme: l’univers y est perçu comme un système de part en part vivant, mais aussi pensant.

– le cosmos selon le créationnisme religieux: l’univers y est perçu comme un grand tout parfaitement organisé par une volonté divine qui l’a créé.

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