Faculté qu’a l’homme de connaître sa propre réalité et de la juger.
La conscience serait donc identifiée à l’être humain, et n’appartiendrait qu’à lui seul. Elle serait même ce qui nous démarque de tous les autres animaux et nous élève au dessus d’eux. En fait, ce n’est pas tout à fait exact…
En réalité, la conscience n’existe pas que chez l’être humain, et on peut, schématiquement, dire qu’il existe trois grands niveaux de conscience dans la nature.
dans la nature, il y a des êtres conscients et des êtres non conscients. Les êtres non conscients, comme la pierre ou la rivière, n’ont pas la moindre connaissance de leur existence dans la réalité. Or, déjà chez les insectes, quelque chose de nouveau apparaît, puisqu’ils sentent. Mais cette conscience sensitive, c’est une conscience prisonnière de l’instant présent, que l’on appelle aussi conscience immédiate. En résumé, on peut supposer que cette conscience immédiate est présente chez tous les êtres vivants, parce que les êtres vivants sont des êtres sentants. Et on peut aussi supposer que plus le système nerveux de l’être vivant se développe, … plus ses capacités de sentir se développent, …plus son expérience de la réalité devient complexe, …plus sa conscience se développe.
Chez les vertébrés, ce développement de la conscience (parallèle au développement du cerveau) deviendra si puissant qu’il permettra à certaines espèces animales de sortir de l’expérience sensitive, expérience seulement immédiate de la réalité, pour s’ouvrir sur le passé (mémoire) et sur le futur (anticipation). Ainsi l’animal devient-il capable de choisir de façon beaucoup plus complexe que chez l’insecte, par exemple, pour qui le choix est totalement gouverné par l’instinct. Le choix se fait désormais aussi en fonction des expériences passées qu’il a vécues, et gardées en mémoire. Ainsi l’accumulation des expériences passées s’interpose entre l’instinct hérité de la nature et l’action. Ces expériences vécues n’annulent pas la programmation instinctive, mais elles la modifient, elles l’ajustent.
- Chez certains animaux le développement du système nerveux est si important qu’il va développer un nouveau pouvoir : non pas seulement ajuster la programmation instinctive par l’expérience vécue, mais carrément remplacer la programmation instinctive par une programmation volontaire. Ce qui caractérise la conscience réfléchie, c’est cette capacité de se régler soi-même, notamment en inventant de nouvelles stratégies d’action. En ce sens, comme le dit David Hume, nous ne pouvons pas dire que la raison soit le propre exclusif de l’homme.Voyez l’exemple du corbeau calédonien !
Chez l’être humain, la conscience se développe sur une voie qui n’a été empruntée que par notre espèce: le langage. Notre flux de pensées est intimement lié à un flux de paroles. Et, comme nous sommes capables de nous appuyer sur les mots, nous devenons capables de nous construire une représentation générale du monde. Nous nous mouvons, comme le dit Bergson, au milieu des “généralités et des symboles”.
Cette représentation que je me fais du monde, des autres, et de moi-même, je puis en devenir l’acteur, élever ma conscience en apprenant à penser par moi-même.
Cette capacité que j’ai d’apprendre à connaître, et ainsi à agir, s’appelle la raison. On peut aussi dire que la raison est la faculté législatrice de
l’esprit. Le plus grand pouvoir de l’être humain, ce qui permet de
distinguer, au fond, notre espèce de toutes les autres espèces vivant
sur cette Terre, c’est que nous avons le pouvoir de nous régler
nous-mêmes, et ce dans les moindres détails de notre existence. C’est là
que réside l’expérience que nous faisons de la liberté.
Étymologie : « cum sciencia » soit « avec la connaissance ». Être conscient, c’est être pensant et savoir qu’on est en train de penser. Cela s’exrprime tout d’abord par la capacité de dire « je », « je pense ».
Chez la plupart des animaux, nous pouvons supposer que cette conscience est seulement immédiate, qu’elle ne va pas au-delà de l’expérience de l’instant. Chez l’être humain cette pensée se déploie dans le temps, avec la mémoire et l’anticipation, c’est ce que Augustin appelle la « distensio animi », mais surtout elle se structure en une expérience continuée et unitaire: c’est en ce sens que nous sommes des sujets. Nous rapportons tous nos états mentaux au « je », nous nous percevons comme des personnes, qui déploient leur existence dans le temps.
Si nous sommes capables de faire cela, c’est parce que nous sommes des êtres parlants. Notre conscience n’est si profonde et structurée que parce que notre pensée, avec les mots, est devenue pensée symbolique. Notre conscience se déploie parce qu’elle a la faculté de parler, d’utiliser des symboles, et ainsi de sortir le champ de la pensée des limites étroites de l’existence biologique. Cela fait de nous des êtres à part entière, parce que notre existence n’est pas déterminée par la forme de notre espèce. Nous sommes donc des êtres singuliers, des sujets.
La conscience humaine est donc celle d’un SUJET. Être un sujet, c’est être capable de dire je, soit de rapporter toutes nos pensées à un centre unique. Ainsi nous sommes des personnes :
dotés d’une subjectivité, c’est-à-dire des êtres capables de choisir, responsables de leurs actions, capables d’autonomie (voir liberté). C’est le champ de l’action humaine.
dotés d’une objectivité, c’est-à-dire des êtres capables de s’interroger sur la réalité et de tenter de la comprendre en tentant de formuler les lois qui la structurent. C’est le champ de la connaissance humaine.