On appelle vrai un jugement ou une proposition qui exprime ce jugement, lorsqu’il est légitime de donner un plein et entier assentiment à ce jugement, cette proposition.
Un premier point, absolument fondamental, consiste à comprendre que la vérité est de l’ordre du discours. On dit la vérité. Cette notion est donc intimement liée aux notions du langage et de la conscience. L’être humain est doué d’une conscience symbolique par laquelle, à l’aide des mots du langage, il se représente le monde qui l’entoure, se lie à ses semblables, et se pense lui-même. Mon rapport au monde, aux autres, et à moi-même, passe par un discours intérieur que je me tiens à moi-même, et que je peux exprimer aux autres.
l’être humain est un être conscient, et sa conscience est aussi parole, capacité de construire non seulement des phrases, mais un discours sur le monde. Notre expérience de la réalité n’est donc pas une saisie directe, immédiate des choses, c’est une lecture, une interprétation de la réalité constituée de mots, de phrases. Nous ne voyons donc pas les choses telles qu’elles sont, mais telles qu’elles nous apparaissent. Nous passons donc notre temps à nous faire des idées sur la réalité, et ces idées organisent non pas seulement notre pensée, mais aussi notre perception.
C’est donc ce discours intérieur qui est vrai ou faux. Mais qu’est-ce qui fait exactement la valeur de vérité de mon discours ? Il y a 3 critères fondamentaux qui s’entremêlent ici pour évaluer ce que vaut un discours sur le plan de la vérité.
La vérité se dit. On dit la vérité lorsque on parle de ce qui est réel, lorsqu’on construit un discours cohérent, et lorsqu’on ne cache rien derrière son discours. Il y a donc 3 formes de la vérité, qui obéissent à 3 principes et qui doivent être réunis pour que la vérité apparaisse.
- la vérité objective, (parler adéquatement de ce qui est réel) c’est la capacité de notre esprit d’identifier un fait avec une rigueur qui produira un assentiment plein et entier. La vérité objective obéit au principe de correspondance.
- la vérité démonstrative, (construire un discours cohérent) c’est la capacité de notre esprit d’enchaîner correctement les propositions entre elles en un raisonnement logique dont la rigueur produira un assentiment plein et entier. La certitude démonstrative obéit au principe de cohérence.
- la véracité, (ne rien dissimuler), c’est la capacité de notre esprit de déclarer honnêtement ce qu’il pense, de sorte qu’on puisse avoir une confiance pleine et entière dans ses propos. La véracité obéit au principe d’honnêteté.
Ces 3 formes de la vérité, la capacité d’identifier des faits objectifs, la capacité de construire des raisonnements logiques, la capacité de dire ce que l’on pense sans rien en cacher, ont 3 opposés :
- l’erreur factuelle : prendre pour un fait de la réalité une idée qui n’est que dans mon esprit.
- l’erreur logique : enchaîner des propositions de façon illogique.
- le mensonge : celer (cacher) volontairement ce que l’on sait pour pouvoir abuser l’interlocuteur.
La vérité n’est pas seulement une certaine manière de penser, c’est aussi, pour l’être humain, une valeur, qui renvoie à un devoir. Il y a un dernier point important : nous avons tous en tête que « c’est bien de dire la vérité ». Mais faire de la philosophie, c’est interroger toutes les valeurs humaines. Donc en quoi est-il si bon de dire la vérité ?
Reprenons les différentes formes du discours vrai :
- la vérité objective est bonne car elle nous permet de mieux comprendre la réalité qui nous entoure.
- La vérité démonstrative est bonne pour la même raison.
- La véracité est bonne pour les rapports sociaux. Elle est un vecteur de confiance.
Mais le rapport entre « vérité » et « bien » est en réalité problématique. Car tout menteur sait très bien qu’il a quelque chose à gagner à son mensonge. La confiance m’attire les bonnes grâces de mes semblables, mais le mensonge aussi, tant qu’il n’est pas découvert. Plus encore le mensonge, lorsqu’il est maîtrisé, me permet d’obtenir PLUS de confiance de mes semblables que la véracité. C’est là le grand paradoxe du menteur. S’il est cru, son mensonge lui donne accès à la manipulation des autres esprits. Le mensonge est ainsi l’arme la plus puissante qui ait jamais existé sur notre Planète.